Lean > Lettre16Septembre2008 ( vs. 1)    Changements récents | Index | Recherche | Go
 <<O>>  Difference Topic Lettre16Septembre2008 (1 - 2008-12-24 - Main.GodefroyBeauvallet)
Line: 1 to 1
Added:
>
>
META TOPICPARENT name="LettreJimWomack"

La Lettre de Jim Womack en version française

Avec l'accord du Lean Enterprise Institute, nous vous proposons régulièrement la traduction en Français de la lettre de Jim Womack. Toute reproduction publique, même partielle, de cette traduction est soumise à autorisation. Les lettres archivées sont accessibles en bas de page.

Manager des contrats ou améliorer les flux de valeur ? (16 septembre 2008)

Bien que je le souhaite vivement, je n'ai pas si fréquemment l'occasion de marcher le long de chaque type de flux de valeur. par conséquent, cela faisait un moment que je n’avais suivi de flux de valeur complexes comme ceux partagés par des donneurs d’ordres et leurs fournisseurs. Aussi, quand plusieurs sociétés m’ont récemment offert l’opportunité de faire des parcours multi-entreprises – en partant du point d'utilisation client et remontant jusqu’au démarrage de la fabrication chez les fournisseurs, j'ai été ravi de mettre mes chaussures de marche pour faire l’exercice avec des équipes des entreprises clientes et fournisseurs.

Pendant que je marchais, il m’est rapidement revenu en tête à quel point il est facile pour nous tous d’être concentrés sur des mesures strictes de la performance du flux de valeur tel que défini dans les contrats : par exemple le PPM, c'est-à-dire le nombre de défauts fournis aux clients par million de pièces livrées ; le prix par pièce, qui bien souvent est suivi sans aucun souci de ce qui arrive soit aux volumes côté client soit aux coûts matière en amont ; la tenue des délais de livraison, lesquels sont souvent calculés par le logiciel de planification des besoins en matières (MRP) et rarement en rapport avec les besoins réels des clients au point d'utilisation. Ces indicateurs peuvent être utiles mais ils mesurent les résultats après coup, quand les erreurs ont déjà été commises. Et, plus important, ils ne disent rien sur les causes des problèmes ou comment les éliminer.

Toujours en marchant, je me suis également rappelé combien il était difficile pour les services achats client et leurs interlocuteurs commerciaux habituels chez les fournisseurs d’échanger dans le détail sur leur contribution conjointe à la création de valeur et sur la cause racine des problèmes, idéalement avant qu’ils ne se produisent. Dans la période actuelle de grandes oscillations des besoins clients en volumes et des coûts matières pour les fournisseurs, le résultat est souvent la somme nulle issue du rituel des menaces des clients (basées sur les pénalités prévues dans les contrats) et des promesses d’amélioration des fournisseurs (basées au mieux sur l’espérance et la prière.)

C'est vraiment boxer dans le vide parce que sans apporter beaucoup d’attention à ce qui est partagé des procédés de conception et de production, très peu d'amélioration de performance n’est possible. De toute manière, à court terme, les clients n’ont nulle part où aller et les fournisseurs ne peuvent pas mieux faire. Finalement, les deux côtés ne retirent que la satisfaction d’avoir participé à un combat de catch dans la boue, probablement purgatif mais sans que rien ne change réellement.

Comment pouvons-nous tous mieux faire? D'abord, nous n'y pouvons rien dans l'instant. Le futur à court terme est déterminé par les décisions prises il y a longtemps. Ce sont donc les contrats avec leurs clauses de pénalités qui gouvernent. Mais nous pouvons faire mieux pour le moyen et long terme si nous détournons notre attention des disputes contractuelles (reflet de la distance dans une relation légale abstraite) vers le management des flux de valeur partagés en observant en commun le processus effectif d’approvisionnement.

Pour ce faire, c’est au client de faire le premier pas. On dit que Taiichi Ohno chez Toyota aurait dit, « l’atelier est un reflet du management. » (Et s'il ne l’a pas dit, il aurait dû !). Laissez-moi ajouter un corollaire : le panel de fournisseurs et la performance des flux de valeur partagés avec ces fournisseurs sont le reflet exact de la gestion des achats par le client. Une base exceptionnelle de fournisseurs possédant une réelle supériorité en prix, qualité, ponctualité, flexibilité, et performance de produits n’existe pas par magie. Et elle ne peut pas être achetée instantanément sur étagère en visitant un « supermarché virtuel de fournisseurs. » Elle sera créée avec le temps par un service achats exceptionnel. En effet, construire une base exceptionnelle de fournisseurs est la vraie (et unique ?) valeur créée par un service achats.

Par quoi donc allons-nous commencer pour passer du management des contrats à l’amélioration des flux de valeur ? D'abord, le client a besoin d’un « plan pour chaque fournisseur », juste comme Toyota a un plan pour chaque composant, chaque machine, chaque employé, et… chaque fournisseur. Ceci signifie définir les bons fournisseurs avec qui travailler sur le long terme, puis comprendre l’état réel des processus de conception et de production de chaque fournisseur pour les éléments à livrer.

Il y a de nombreuses années, quand j'ai visité pour la première fois Toyota au Japon, j'ai dîné avec le directeur des achats. Je lui ai demandé comment il pouvait être sûr que Toyota obtenait la bonne performance de la part de ses fournisseurs alors qu’il n’y avait que deux fournisseurs par catégorie de besoin et que Toyota contractualisait sur des bases de prix cibles plutôt qu’en comparant des devis. « Comment, » ai-je insisté, « pouvez-vous savoir que vous ne vous faites pas avoir ? » Avec un regard incrédule, il m’avait répondu, « parce que je connais tout -- chaque étape de chaque processus de création de valeur – depuis la matière première chez nos fournisseurs jusqu’aux opérations finales chez Toyota. C'est mon travail. » Dans la pratique, cela implique de déterminer en permanence l’écart de performance entre le flux de valeur que le fournisseur est capable de générer et celui dont le client a besoin. Il s’agit ensuite de bâtir un plan de l’état à atteindre expliquant qui fera quoi et quand –- chez le client et chez le fournisseur -- pour obtenir un flux de valeur futur correspondant aux besoins actuel et futur du client.

Mais créer un flux d'approvisionnement Lean signifie également que le service achats doit regarder vers l’intérieur pour un exercice de Hansei (réflexion critique sur soi) organisationnel dans les murs de son entreprise. Pourquoi les plannings de production sont-ils si erratiques et imprécis ? Pourquoi les commandes aux fournisseurs ne sont-elles pas lissées ? Pourquoi la logistique des articles fournisseurs jusqu’au point d'utilisation est-elle si peu sous contrôle ? Pourquoi la définition des articles fournisseurs est-elle figée si tard dans le processus de conception ? Pourquoi les procédés de fabrication du client sont-ils si mal conçus et nécessitent-ils des actions Kaizen immédiatement après le lancement, affectant ainsi les procédés de fabrication chez le fournisseur (dont les procédés sont également mal conçus, en partie dû au manque d'attention de son client) ?

La réaction typique des services achats quand je fais ces remarques est de dire, « attendez une minute. Notre rôle est d’acheter les articles nécessaires auprès des fournisseurs disponibles et de marchander dur pour obtenir des conditions contractuelles que nous pouvons faire respecter. Nous n'avons aucun mandat pour examiner notre organisation en aval ni vérifier en amont ce que nos fournisseurs font réellement dans leurs flux de valeur pour satisfaire nos besoins. Et nous ne pouvons certainement pas nous permettre de construire des relations stables à long terme avec des fournisseurs alors que les marchés oscillent continuellement. » Et je réponds : « Mais bien sûr ! Et vous aurez toujours une base d'approvisionnement médiocre avec une faible performance et vous passerez votre temps à faire la chasse aux pièces. »

Ainsi, cela se résume à ce que les services achats pensent qu'ils devraient faire et à ce qu'ils pensent qu’ils peuvent faire. Peut-être vous rappelez-vous l'aphorisme de Henry Ford dans la lettre du mois dernier disant que « si vous croyez que vous pouvez, vous avez raison, et si vous croyez que vous ne pouvez pas, vous avez encore raison ! » (Mais je vous conjure d’oublier que ce même Henry a vraiment pensé qu’on ne pourrait jamais créer un processus achat exceptionnel et a donc bâti une organisation verticalement intégrée à la place !)

Dans le monde d'aujourd'hui, nous savons que l'intégration verticale ne fonctionne plus. L’externalisation ne va pas disparaître et dans la plupart des entreprises les articles achetés pèsent pour moitié ou plus de leurs coûts totaux ainsi que pour une grande part de leurs problèmes de qualité, de délai et de réactivité. Nous avons donc tous besoin de penser que les services achats peuvent créer et entretenir des bases exceptionnelles de fournisseurs. Faire ceci prendra du temps et de l’investissement direct mais le coût de l’inaction sera considérablement plus élevé dans le temps. Aussi, où que vous soyez dans votre entreprise et quelque soient les relations existantes de votre entreprise avec ses fournisseurs, j’espère que vous donnerez un coup de main à cette transformation critique vers l'approvisionnement Lean.

Jim WOMACK
Président et fondateur du Lean Enterprise Institute

Merci à François Leteux (conseil en Management d'entreprises et expert en _Agility Management, A²C² SARL) pour cette traduction._

Lettres archivées


Page Lettre16Septembre2008 . { View | Diffs r1 | More }
Revision %REVTITLE2% - %REVINFO2%
Revision %REVTITLE1% - %REVINFO1%
Les contenus de ce site restent la propriété de leurs auteurs respectifs.