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Peu et souvent
Daniel T. Jones, leanUk.Org, 14 février 2007
Mes interlocuteurs ont souvent du mal avec la manière lean de raisonner à cause d’un modèle mental clef du paradigme de la production de masse. Selon ce dernier, il serait parfaitement raisonnable de fabriquer les produits en lots pour accumuler un chargement complet avant d'expédier un camion. Cela cadre intuitivement avec notre vieil acquis de paysans moissonnant les récoltes et les stockant pour qu’elles durent tout l'hiver. Vous pouvez trouver cette manière de voir partout, depuis l’accueil et le traitement des patients en lots, jusqu’au transport aérien où il s’agit de placer autant de passagers que possible dans des avions toujours plus gros.
Nous avons régulièrement été confrontés au fil des années à l’accusation selon laquelle des livraisons de petite taille en juste à temps rendent les producteurs plus vulnérables aux ruptures d'approvisionnement. Nous avons également été accusés d’endommager l'environnement avec beaucoup de petits camions à moitié remplis qui remplaceraient moins de gros camions chargés à bloc. Malheureusement la vie n'est pas aussi simple que cela et, pour comprendre vraiment ce qui se passe, vous devez regarder les faits réels dans les situations réelles, pas des modèles simulés. Il est également nécessaire de changer de point de vue, au-delà de nos propres activités, de façon à regarder à la chaîne logistique en entier.
Un défaut dans ces arguments est que se concentrer sur l'utilisation du capital et sur le rendement maximal des machines ne permet pas d'atteindre le résultat escompté ! Sinon pourquoi, dans un système de production de masse, les machines ne produisent-elle de bons produits que 30% du temps ? Et comment e fait-il que les producteurs Lean augmentent ce ratio jusqu'à 85% et au-delà simplement en se concentrant sur l'amélioration de la capabilité, de la disponibilité et de la flexibilité?
Cette remarque s'applique à l’identique à l'utilisation des camions. Il y a quelques années, quand les supermarchés attendaient de leurs fournisseurs qu'ils leur livrent des chargements complets, l'utilisation des camions n'était pas supérieure à 50%. Maintenant que les supermarchés prélèvent des produits chez leurs fournisseurs plus régulièrement, l'utilisation des camions est également plus élevée.
Il existe un fantasme commun que les embouteillages à Toyota city seraient dus au fait que Toyota expédie beaucoup de petits camions chez leurs fournisseurs pour prélever très fréquemment des composants. En réalité, Toyota travaille avec moins de fournisseurs directs, dont chacun fournit cinq fois plus de références que les fournisseurs européens. Ils expédient les camions les plus gros autorisés sur les routes japonaises au long de tournées du laitier régulières chez ces fournisseurs, et ces camions reviennent à l'usine d'assemblage pleins à ras-bord. Les embouteillages sont causés par la tentative de produire tant de véhicules dans une seule ville. En fait, les embouteillages seraient bien pires si l'utilisation des camions était aussi mauvaise que dans la plupart des systèmes de production de masse.
Cette ligne de raisonnement se désintéresse également des coûts supportés ailleurs dans la chaîne logistique à cause de la production et de l'expédition de lots importants. Cette non-prise en compte des coûts logistiques repose sur la croyance que la demande est par nature chaotique et imprévisible, alors que la volatilité est souvent auto-infligée par la façon dont nos systèmes de planification fonctionnent. La production par lots pilotée par la prévision mène inévitablement à des changements continus de programme à court terme pour répondre aux pics de demande et aux ruptures malgré des magasins remplis de stocks, des heures supplémentaires et des expéditions en urgence. Les coûts de tout ceci sont dans les budgets de quelqu'un d'autre ou dans les coûts indirects, mais ils ne sont pas dans le plan de production.
Cela n’est cependant que la partie émergée de l'iceberg, car il faudrait également prendre en compte les ventes perdues, les stocks soldés ou obsolètes, les retouches, les contrôles et les sur-capacités et stocks pour répondre aux pics de demande et aux ruptures des fournisseurs. La chaîne logistique idéale devrait répondre dans des délais aussi courts que possible, la production y être pilotée par la demande réelle et la production être capable de fabriquer chaque produit aussi fréquemment que possible en ligne avec la demande.
Mais comment justifier des livraisons plus fréquentes de la part de vos fournisseurs? Probablement seulement lorsque vous apprenez à lisser votre production et à fabriquer chaque produit fréquemment. Alors, vous pourrez constater des économies dans votre chaîne logistique. Il apparaîtra alors sensé de coopérer avec d'autres sociétés pour prélever des produits chez vos fournisseurs lors de livraisons collectives plus fréquentes et mieux prévisibles.
D'un autre côté, comme les courses en ligne progressent, des livraisons régulières aux clients vont remplacer le voyage le plus dommageable pour l'environnement entre tous – celui des consommateurs conduisant pour prélever des produits dans les magasins.
Le raisonnement Lean n’a pas pour objectif des stocks à zéro ou des camions minuscules. Il s’agit de développer un rythme commun stable et étendu au long de la chaîne logistique en ligne avec la demande, protégé des ruptures d'approvisionnement et des fluctuations réelles de la demande par le juste niveau d'en-cours standards, éventuellement maintenus hors ligne. « Peu et souvent », c’est la manière juste de raisonner, aussi contre-intuitive qu’elle soit.
Bien à vous,
Pr. Daniel T Jones
Chairman, Lean Enterprise Academy
Merci à Emmanuel JALLAS, LYSIPPE Consulting, pour sa participation à cette traduction.
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