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Editorial du Projet Lean Entreprise : "Faites-vous partie du problème ou partie de la solution ?"
PSA a annoncé le 12 juillet son intention de fermer son usine d’Aulnay. Toyota avait pour sa part indiqué trois semaines avant qu’il réinvestissait dans le site de Valenciennes pour produire des Yaris pour les Etats-Unis. L’environnement n’est pas meilleur pour un constructeur que pour l’autre. Si toutes choses sont égales par ailleurs, à quoi tient la différence ?
Si la plupart des commentateurs se sont appesantis sur les problèmes d’offre (du coût du travail en France à l’implantation des usines de PSA, comme on l’a beaucoup lu), c’est bien plus d’un problème de demande qu’il s’agit. En effet, l’activité n’est rien de plus que la réponse à la demande commerciale pour des produits qui correspondent à ce que souhaitent acheter les clients du fait de leurs qualités intrinsèques :
- d’une part, il faut que le produit corresponde à l’usage réel des clients (et pas simplement à ce qu’ils en disent) ;
- d’autre part, le produit doit être sans faute dans son utilisation, de manière à garantir la tranquillité de ceux qui l’achètent.
S’il y a une leçon industrielle à retenir de Toyota, c’est bien celle-là. La qualité du produit et la maîtrise du processus de production expliquent que malgré les années du yen fort et les déferlantes que le constructeur a encaissé ces dernières années (crise financière, crise d’image, tsunami, inondations), l’entreprise a retrouvé sa place de premier constructeur mondial dès le premier trimestre 2012.
Qu’y a-t-il à tirer de cette actualité ? Que le lean, méthode de management directement inspirée de l’exemple de Toyota, repose sur quelques principes incontournables :
- Comprendre la valeur du point de vue du client ;
- Identifier les étapes du flux de valeur qui produisent la valeur et éliminer les gaspillages ;
- Accélérer le flux de valeur dans le processus ;
- Tirer la valeur en partant du client ;
- Pratiquer le kaizen sans relâche pour impliquer chaque personne dans l’amélioration des flux de valeur.
Relisez cette liste. Elle explique que le lean n’est ni la continuation ni le dépassement du taylorisme. C’est tout simplement une méthode de management distincte de ce dernier car elle impose à la chaîne hiérarchique de se comporter d’une manière totalement différence du manager tayloriste. Là où ce dernier choisit, commande et contrôle les collaborateurs avec l’aide de spécialistes, le rôle du manager lean est d’enseigner comment impliquer et engager les collaborateurs dans le développement de leurs compétences et l’amélioration des processus dont ils font partie.
En d’autres termes, le lean n’est pas et ne peut pas être un ensemble de techniques productivistes que des équipes d’experts et/ou de consultants peuvent appliquer et faire appliquer à des exécutants.
Ce point n’est pas négociable. A contrario de ce qui s’est largement pratiqué depuis des décennies dans l’industrie automobile, il n’est pas possible d’adapter le lean à nos réflexes tayloristes pour réduire les coûts dans le court-terme, tout en s’inscrivant dans la tradition lean pour transformer nos modes de raisonnement et de management.
C’est pourquoi les grands programmes de productivité soi-disant lean portés par la structure à l’encontre des opérationnels n’ont, contrairement à ce qu’en disent leurs porteurs, jamais produit de résultats durable. Au contraire, ils ont bien souvent détruit de la confiance mutuelle en réalisant des gains de productivité immédiate sans améliorer les conditions de travail des opérateurs – et sans améliorer la santé financière de l’entreprise au global. Il n’ont de « lean » que le titre de leurs Powerpoints.
Inversement, les entreprises dont le Top Management s’est véritablement inscrit dans la démarche lean pour transformer sa propre pratique ont vu leur valeur se multiplier - même dans l’industrie et malgré le contexte économique actuel. L’entreprise grandit alors avant tout parce que ses dirigeants se polarisent sur leurs produits et en quoi ses produits (i) satisfont réellement les clients (et non l’organisation interne) et (ii) en quoi l’organisation produit réellement de la valeur (plutôt que simplement se reproduire telle quelle).
Ce message n’est ni neuf, ni original : il est porté par les principaux auteurs et chercheurs du lean depuis plus de dix ans. Et pourtant, la tentation tayloriste reste forte et, chaque année, de nouvelles entreprises se lancent dans de grands programmes de réduction des coûts par des chantiers sur le terrain, pilotés par des experts fonctionnels et centraux et sans souci d’implication réel ni du top management (qui a « délégué ») ni le management intermédiaire (perçu comme irrémédiablement « résistant au changement »). Les mêmes causes ayant les mêmes effets, il n’y a aucune raison de croire que les programme démarrés aujourd’hui auront de meilleurs résultats que les mêmes programmes conduits au long de la dernière décennie et abandonnés après deux ou trois ans.
Bien entendu, il est difficile de ne pas suivre la ligne de plus grande pente. Bien entendu, nos entreprises sont construites sur le modèle tayloriste et la structure définit le processus pour les opérationnels. Bien entendu, le changement est difficile, surtout dans les mentalités. Mais en attendant, les chiffres de notre commerce extérieur continuent de se dégrader et les emplois industriels continuent de disparaître.
Le lean offre une voie de sortie, connue et prouvée. Mais de quel « lean » s’agit-il. Celui porté par l’expert lean et ses sbires qui font des descentes sur le terrain pour « éliminer les gaspillages » en pratiquant la politique de la terre brûlée ? Ou le lean des dirigeants qui dynamisent leur entreprise en focalisant leurs équipes sur la résolution des problèmes client, de la conception à la livraison, et en s’intéressant de près au travail de chaque employé sur le terrain, pour sans cesse améliorer les conditions fondamentales du travail.
L’alternative est ouverte. Faites votre choix.
(21 juillet 2012)
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- Lean et Réindustrialisation, Editorial de Michael Ballé (12 décembre 2012)
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