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Avant de fonder le Lean Enterprise Institute à la mi-1997, cela faisait des années que je réfléchissais à la manière dont les organisations gèrent leurs priorités et planifient leur travail. Et j'avais lu avec une grande attention la littérature sur de déploiement de politique (hoshin kanri) au Japon depuis les années 70. Ainsi j'ai pensé qu'il serait facile de développer et de mettre en œuvre à la fois un plan sur le long terme et un plan sur un an.
J'ai demandé à mon ami Pat Lancaster (par était alors Président Directeur Général de Lantech, le sujet du chapitre 6 de l’ouvrage que j’ai écrit avec Dan Jones, Système Lean) de venir à Boston pour nous aider. Toute notre équipe a fait preuve de beaucoup de dynamisme et deux jours plus tard, après beaucoup de discussions franches, nous tenions notre plan. Nous sommes tombé d’accord sur notre cible organisationnelle, avons sélectionné nos principales priorités sur quelques années, avons défini des objectifs et choisi les initiatives spécifiques à mettre en œuvre pour les réaliser. Nous avions gagné la guerre contre le chaos et l'indécision !
Mais il y avait un problème : nous avons vite découvert que nous n'avions pas de moyen pratique pour mettre en œuvre ce plan. Plus précisément, nous n'avions pas de manière efficace d'assigner des responsabilités pour nos initiatives, qui étaient transversales à notre organisation. Nous n'avions pas de méthode opérationnelle pour mesurer nos progrès. Et nous n'avions pas de moyen de déterminer les raisons pour lesquelles, souvent, nous n'obtenions pas les résultats que nous avions prévus de nos initiatives et ce que nous devions faire en cas d’échec. En bref, nous avions conduit un superbe exercice sur deux jours avec l'aide d'une personne brillante et nous avions imaginé un magnifique plan. Mais cela n’a résulté en nul avantage pour notre organisation. Doucement, nous avons abandonné l'approche globale et lui avons substitué un simple processus budgétaire annuel.
Heureusement, ce processus simple s’est révélé suffisant pour que LEI puisse s'épanouir en tant que petite organisation sur la décennie suivante. Cependant, j'ai continué à me demander pourquoi nous étions si bons pour sélectionner les bonnes choses à faire (et créer notre budget annuel) mais beaucoup moins perspicaces pour faire en sorte que les choses pertinentes soit faites. Dans le langage du Plan-Do-Check-Act (PDCA), introduit par W. Edwards Deming, nous sommes bons pour faire le P mais nous avons bien du mal avec le DCA.
L’année dernière, nous nous sommes développés très rapidement et le LEI est devenu une organisation beaucoup plus complexe. (Nous avons maintenant quatre lignes de produits principales - chacune avec un responsable de la chaîne de valeur -- les produits éducatifs, la formation, les événements et les partenariats de recherche avec de multiples organisations.). Soudainement, notre processus budgétaire simple s’est avéré inadéquat et j'ai été à nouveau forcé de me pencher sur la question de la priorisation et de la planification. Au même moment, dans le cadre de nos activités de recherches j'observais que beaucoup d'organisations avaient du mal – comme nous – à mettre en place des systèmes de planification complexes dérivés des textes standards japonais de hoshin kanri.
C’est pourquoi j’ai été enchanté quand Pascal Dennis, un vétéran de Toyota, m'a approché en me suggérant que le « déploiement de stratégie », selon la traduction qu’il propose de hoshin Kanri, peut être rendu beaucoup plus simple et plus efficace. Il a proposé d'écrire un guide pour les managers, un mélange entre un workbook et un roman afin d'illustrer une méthode plus efficace pour la planification et l'exécution. Il s’est même engagé à exposer le processus de pensée qui sous-tend les planifications et les exécutions efficaces, celui qu'il avait appris pendant ses années à Toyota, et pas simplement à décrire les techniques.
Cette année, en relisant le travail de Pascal et en tentant de l'appliquer à la direction du LEI, j'ai réussi à en tirer quelques véritables enseignements sur la manière de déployer correctement une stratégie. Laissez-moi les partager ces enseignements brièvement avec vous :
- La partie « Plan » est vraiment simple. Mais il est particulièrement important, car il permet de créer un consensus sur la manière dont se porte votre organisation, sur son « état actuel ». Otherwise the plan is based on illusion. Ceci signifie développer des mesures simples et visuelles de la performance actuelle que chacun peut voir et sur lesquels tous le monde est d’accord. Autrement, le plan est basé sur des illusions.
- La partie « Do » réussira si le plan raconte une histoire simple et convaincante et que chaque élément du plan est facilement compréhensible par tous. La méthode A3 de Toyota qui décrit sur une feuille de papier unique le problème que chaque élément du plan aborde – et la manière dont l'organisation compte le résoudre – prend toute sa dimension une fois que chacun apprend à lire cette feuille A3. (J'ai été stupéfait de voir ce que l'analyse A3 a permis pour notre gestion de la chaîne de valeur au LEI et de voir également ce qu’elle a permis pour ce qui concerne ma capacité à communiquer à chacun sur ce que la direction du LEI est en train de faire)
- La partie « Check » du plan est décisive et est ignorée de presque tous. Pourtant il n'est pas raisonnable de commencer à déployer un plan sans qu’il n’y ait une méthode standardisée pour mesurer les résultats et un engagement du management de les observer.
- L’étape « Act » ou « Adjust » est également importante mais elle exige une méthode de résolution de problèmes efficace pour comprendre pourquoi le plan ne produit pas les résultats attendus (comme montré à l'étape « contrôle »). Même les organisations qui contrôlent leur progression sont souvent très mauvaises dans la phase « Adjust ». Pourtant presque aucun plan, même chez Toyota, ne produit exactement les résultats prévus. L'ajustement est inévitable et continu.
Chaque élément du plan a besoin d'un responsable de déploiement qui peut intervenir de manière transversale aux fonctions, voir l’ensemble et assumer la responsabilité d’obtenir un bon résultat. Cette personne est comme l'ingénieur en chef chez Toyota. Et la bonne nouvelle est que le fait de désigner un responsable du déploiement pour chaque élément du plan n'exige aucun ajustement dans l'organigramme. Le management du déploiement est simplement une tâche supplémentaire pour les senior managers désignés, et elle devient beaucoup plus facile avec l'expérience acquise sur plusieurs années.
Certaines organisations peuvent déployer des éléments de plan pour chaque chaîne de valeur de famille de produit, comme nous avons fait au LEI. Cependant, beaucoup d'organisations - bien plus que je ne l’avais imaginé jusque récemment - sont si instables dans leur processus partagés qu'il serait peut être mieux pour elles de commencer par des thèmes sur l’organisation élargie comme la qualité, la livraison, et les coûts, dans le but de créer une stabilité avant qu'elles ne passent à une approche par la chaîne de valeur.
Peut-être le plus important : tout est une question de personnes. J'ai récemment réfléchi au concept de qualité de Toyota, l’« autonomation », ou jidoka, qu'ils décrivent comme « l’automatisation avec une touche humaine ». Ceci signifie que les employés sont impliqués activement, à chaque niveau, pour s’assurer que les processus technologiques – quel que soit leur niveau de complexité – fonctionnent correctement pour produire un bon résultat à chaque fois. J’ai réalisé que le déploiement de stratégie tel qu’il doit être pratiqué est similaire. Ce n'est pas un exercice de logique froide, fait une fois et oublié ensuite. C’est plutôt un « hoshin kanri avec une touche humaine » dans lequel chacun au sein de l'organisation devient un scientifique participant à de continuelles expérimentations sur chaque élément du plan au moyen du PDCA.
Cordialement,
Jim WOMACK
Président et fondateur du Lean Enterprise Institute
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