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La Lettre de Jim Womack en version française
Avec l'accord du Lean Enterprise Institute, nous vous proposons régulièrement la traduction en Français de la lettre de Jim Womack. Toute reproduction publique, même partielle, de cette traduction est soumise à autorisation. Les lettres archivées sont accessibles en bas de page.
Respecter les personnes (22 décembre 2007)
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Pendant des année j'ai visité des sociétés dans lesquelles "Le respect des personnes" est un élément essentiel de la philosophie d'entreprise. J'ai donc posé cette simple question à des managers dans de nombreuses sociétés "comment montrez-vous votre respect?". J'ai habituellement entendu que les employés doivent être traités équitablement, recevoir des objectifs clairs, leur faire confiance pour qu'ils les atteignent de la meilleure façon, et leur rendre compte des résultats. Par exemple "Nous embauchons des gens intelligents, nous leur donnons beaucoup de liberté dans leur façon de gérer leur travail parce que nous leur faisons confiance, et nous mesurons objectivement leur performance. C'est le respect des personnes."
Quand récemment Toyota a fait du respect des personnes un des pilliers de la Toyota Way j'ai décidé que je devais demander aux meilleurs managers de chez Toyota comment ils montraient du respect pour les personnes. La réponse que j'ai eue est assez différente de celle que j'ai entendue dans de nombreuses autres sociétés et elle ressemble à ceci :
Les managers commencent par demander aux employés quel est le problème dans la façon dont leur travail est effectué actuellement.. Ensuite ils challengent les réponses des employés et entrent dans un jeu de questions-réponses avec eux sur ce qu'est le vrai problème. (C'est rarement le problème qui émerge à la surface).
Ensuite ils se demandent ce qui cause le problème et entrent dans un nouveau jeu de questions-réponses sur la cause racine. (Un vrai dialogue nécessite que les employés récoltent des preuves sur le gemba – le lieu où la valeur est créée – pour une évaluation commune.)
Ensuite ils questionnent sur ce qui devrait être fait contre le problème et demandent aux employés pourquoi ils ont proposé une solution plutôt qu'une autre. (cela nécessite de critiquer une palette de solutions et de récolter encore plus de preuves.)
Ensuite ils demandent comment eux – les managers et les employés – vont savoir quand le problème aura été résolu, et s'engagent une fois de plus dans un jeu de questions-réponses sur le meilleur indicateur.
Enfin, une fois que l'accord est obtenu sur la meilleure mesure du succès, les employés mettent en place la solution.
Pour nombre d'entre nous cela ne ressemble pas beaucoup à du respect des personnes. Le manager après tout ne dit pas seulement "Je vous fais confiance pour résoudre le problème parce que je vous respecte. Faites le à votre façon et allez-y. Et le manager n'est pas un encourageur, qui dit toujours, "beau travail!" Au lieu de cela le manager challenge les employés à chaque étape, demandant encore plus de réflexion, plus de faits, et plus de discussions, alors que les employés veulent simplement réaliser leur solution favorite.
Avec le temps j'ai réalisé que ce process de résolution de problème est réellement la plus haute forme de respect. Le manager explique aux employés que le manager ne peut résoudre le problème seul, parce que le manager n'est pas suffisamment proche du problème pour connaître les faits. Il ou elle respecte vraiment le savoir des employés et leur dévouement pour trouver la meilleure réponse. Mais les employés ne peuvent résoudre le problème seuls, parfois parce qu'ils en sont trop proches pour voir le contexte du problème et qu'ils peuvent s'interdire de poser des questions ardues sur leur propre travail. C'est seulement en montrant un respect mutuel – l'un pour l'autre et pour le rôle de l'autre – qu'il est possible de résoudre des problèmes, de rendre le travail plus satisfaisant, et faire progresser la performance de l'entreprise vers un niveau encore plus élevé.
Récemment j'ai visité deux centres de distribution dans une même ville offrant le même type de services à leurs clients. Alors que je marchais j'ai trouvé un exemple merveilleusement limpide de ce que le respect mutuel pour les personnes crée.
Dans le premier site le management se concentrait sur le contrôle des employés grâce à des indicateurs individuels. On demandait aux employés d'obtenir une certaine quantité de travail mais on leur donnait une latitude considérable sur la façon de le faire. Ils étaient jugés à la fin de la journée, de la semaine, du mois et du trimestre sur le fait qu'ils aient atteint l'objectif ou non, en utilisant des données récoltées par un système informatique de suivi. Les managers de terrain étaient fiévreusement employés à travailler sur les problèmes actuels mais aucun n'était systématiquement engagé à résoudre pour de bon ces problèmes à la cause racine en collaboration avec les employés. Cela était la tâche de managers de niveau supérieur et d'équipes d'experts quand le temps le permettait, habituellement sans l'implication des ouvriers de production.
Dans le second site, le management avait travaillé avec les employés pour créer le travail standardisé pour chaque tâche et mis en place le contrôle visuel avec des panneaux de pilotage pour que chacun puisse voir où tous les autres en étaient avec leur travail. Parce que l'état du process complet était visible instantanément par tous, les employés pouvaient s'aider les uns les autres sur les problèmes qui apparaissaient. Et parce que le process de travail était très stable grâce au respect strict du travail standardisé, les managers de ligne pouvaient employer la plupart de leur énergie à la résolution de problème en impliquant les employés dans des dialogues pour trouver les causes racines et mettre en place des solutions pérennes. En fait, chaque personne passait quatre heures chaque semaine à des activités d'amélioration.
Quel est le résultat? Les deux sites sont dans la même ville, ont des employés avec les mêmes niveaux de formation, et paient a peu près les mêmes salaires. Cependant le trunover annuel des employés dans le premier site est de 70% (ce qui semble être typique des centres de distribution) et il y a également un turnover significatif du management. Pendant ce temps, sur le second site, le turnover des employés est de 1% et presque aucun manager ne démissionne. Quand j'ai demandé aux managers et employés du second site les raisons, la réponse fut simple : "le travail ici est toujours intéressant parce que nous résolvons sans cesse des problèmes en utilisant une méthode que nous comprenons. Et nous respectons tous les contributions de chacun."
Les divergences continuent : mon estimation grossière est que dans le second site la productivité est double de celle du premier avec moins d'automatisation. Cela vient partiellement du fait que le premier site est constamment entrain d'embaucher et de former de nouveaux employés alors que le second site ne passe pratiquement aucun temps sur cette tâche. De plus, tous les employés du second site sont expérimentés et travaillent au plus haut de leur courbe d' apprentissage. Enormément de temps perdu à déterminer la tâche suivante et encore plus de temps pour les retouches sont éliminés.
Enfin, sur le second site, la qualité ressentie par les clients est plus élevée même s'il y a moins de retouches internes. Et la quantité totale en stock pour fournir le service en 24heures que les deux sites promettent à leur clientèle est également bien plus petite dans le second centre de distribution.
Je crois que vous pouvez deviner quel site est un centre de distribution de pièces Toyota et quel site appartient à une entreprise de distribution engluée (comme la plupart) à l'ère de la production de masse avec des méthodes de management "commandez et controllez" mais avec très peu de discussions sur la façon dont les employés pourraient mieux faire leur travail.
Je crois également que chacun d'entre nous veut montrer du respect aux personnes. Le challenge pour ceux d'entre nous de la communauté Lean est d'adhérer et d'expliquer la vraie nature du respect mutuel pour les personnes – managers et employés – pour que toutes les sociétés puissent avancer vers une nouvelle et meilleure façon de résoudre leurs problèmes.
Jim WOMACK
Président et fondateur du Lean Enterprise Institute
Merci à Emmanuel JALLAS, LYSIPPE Consulting, pour cette traduction.
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Lettres archivées
- 37. Respecter les personnes (22 décembre 2007)
- 36. Déjà dix ans ! (23 octobre 2007)
- 36. Un Kaizen de retouche (22 août 2007)
- 35. L'Epreuve de la durée (30 mai 2007)
- 34. Créer un système de soins lean (3 mai 2007)
- 33. Pourquoi Toyota a gagné et comment Toyota peut perdre (4 avril 2007)
- 32. Réflexions complémentaires sur la transformation Lean (16 janvier 2007)
- 31. Ce que j'ai appris sur la planification et l'exécution (14 décembre 2006)
- 30. Des Outils lean au management Lean (21 novembre 2006)
- 29. Produit Intérieur Brut contre Gaspillage Intérieur Brut (23 octobre 2006)
- 27. La voie lean pour avancer chez Ford (19 septembre 2006)
- 26. Penser de bout en bout (11 août 2006)
- 25. Mura, Muri, Muda ? (6 juillet 2006)
- 24. Projets, Processus, Personnes (12 juin 2006)
- 23. Moins de héros, plus de paysans (12 mai 2006)
- 22. Le Nouveau Lean Enterprise Institute (5 avril 2006)
- 21. Juste-à-temps, juste au cas où, et juste tout faux (22 janvier 2006)
- 20. Une Réelle Opportunité (7 novembre 2005)
- 19. Nécessaire mais pas suffisant (17 octobre 2005)
- 18. L'édition Lean et la parution de Lean Solutions (8 septembre 2005)
- 17. Consommer et distribuer : des solutions lean (16 août 2005)
- 16. La Vérité émerge des rêves de la fiction (31 mai 2005)
- 15. Le hic avec le travail créatif et le management créatif (10 mai 2005)
- 14. La spectaculaire diffusion de la pensée lean (11 avril 2005)
- 13. Consommer lean (7 mars 2005)
- 12. Un Leadership lean (3 février 2005)
- 11. L'Etat du lean en 2005 (12 janvier 2005)
- 10. Une Ballade dans l'histoire du lean (8 décembre 2004)
- 9. Un Système d'information Lean (5 novembre 2004)
- 8. En déconstruisant la Tour de Babel (8 octobre 2004)
- 7. La Concurrence vaut-elle le lean ?, 5 septembre 2004
- 6. Mauvaises gens ou mauvais processus ?, 29 juillet 2004
- 5. Créer une stabilité élémentaire, 26 mai 2004
- 4. Soucis standardisés, 27 avril 2004
- 3. Les Merveilles des flux tirés et lissés, 30 mars 2004
- 2. Le "lean" au-delà des frontières de l'usine, 24 mars 2004
- 1. Ajouter des coûts ou créer de la valeur ?, 4 mars 2004
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