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Editorial de Marie-Pia Ignace : "One piece flow et supplychain. Retour d’expériences de deux visites d’usine chez Toyota au Japon"
Au mois de mai, Paris Ouest Construction et le Projet Lean Entreprise ont organisé un voyage d'études au Japon auprès de 6 entreprises pour approfondir leur compréhension du lean. Cet éditorial aborde l’aspect le plus marquant de la visite des usines de Toyota : la subtilité visible de la supplychain.
Visiter une usine de Toyota au Japon, génère tout à la fois un effet de « déjà vu » bien paradoxal et un sentiment qui oscille entre la frustration et l’enthousiasme. Au premier abord tout semble facile à interpréter pour des français familiers du lean.
Trois exemples :
- « quality 1st, securityalways » : une fois franchie la porte de l’atelier production, le premier lieu dans lequel on entre est le Dojo de formation aux règles de sécurité. On y apprend à traverser, à pousser un chariot, etc… Les gestes et les exercices sont précis et un immense tableau situé à l’entrée du site indique qu’il n’y a pas eu d’accident dans l’usine depuis… 637 jours. L’usine emploie 3 000 personnes.
- Andon : c’est la grande fierté des personnes qui vous font visiter. Des tableaux immenses, pendus au plafond, clignotent dans l’usine, du même genre que ceux que l’on trouve dans les centres d’appels. On y voit, pour chaque poste de travail, si tout va bien et pendant combien de minutes l’andon a été tiré depuis le début du shift. Lorsqu’il est tiré, une musique se déclenche, le numéro du poste clignote et un team leader se précipite pour aider l’opérateur. Il y a un andon jaune pour les opérateurs et rouge pour le team leader. Le rouge arrête la chaîne.
- One piece flow : eh bien oui !, les deux usines travaillent en one piece flow et au takt time. D’ailleurs le véhicule en cours d’assemblage avance de façon continu vers la sortie ; il n’est matériellement pas possible de créer un stock entre deux opérateurs. Et bien sûr, chaque véhicule est unique et construit pour un client précis qui en a choisi chaque option. C’est estomaquant, tout à la fois frustrant et passionnant.
Michaël Ballé nous avait conseillé non pas de regarder ce qui se passait dans l’usine mais de choisir un thème de réflexion et d’essayer de comprendre comment ce thème était mis en œuvre dans l’usine visitée. Dans les usines de Toyota, Freddy Ballé nous a aidé à comprendre en quoi l’assemblage en one piece flow de véhicule est dépendant d’une supplychain très haut niveau :
« La visite de Toyota Industrie a été une préparation idéale à la compréhension du flux de pièces et à son organisation classique mais ne pouvait montrer le travail énorme qui se cache derrière cette simplicité apparente pour disposer de la bonne pièce lorsque nécessaire. En effet, ceci suppose, entre autres, une analyse détaillée de chaque lead time et un lissage des commandes aux fournisseurs. La réduction au minimum des encours par les milksruns des gros camions à chargement latéral et le transfert direct sur les petits trains d'alimentation des lignes ou des pickings donnait une perception immédiate de l'intérêt du flux tiré.
La visite de Toyota Motors à Takaoka a été pour moi très intéressante car elle montrait une évolution du système par rapport à celui classique vu la veille au montage des chariots élévateurs. En effet, pour s'adapter à l'augmentation de diversité des véhicules montés sur une même chaîne due à la décision stratégique de limiter la diversité dans les usines hors Japon et de la concentrer sur les usines japonaises, il a fallu adjoindre à chaque véhicule un chariot correspondant aux pièces à forte diversité préparé dans une zone de quiting.
Cette réorganisation de la production avec zone de quiting permet de ne traiter par le système classique d'approvisionnement des bords de chaîne que les éléments à plus faible diversité. Il est amusant de noter que les journalistes spécialisés ont salué cette évolution comme un renoncement à son système par Toyota alors que cela démontrait, au contraire, sa capacité à s´adapter à un choix de stratégie du à une évolution de l´environnement du marché mondial de Toyota. ».
Glossaire :
[Il est interdit de faire des photos chez Toyota. Les images proviennent d’autres sources]
Camion à chargement latéral :
| Le camion est autorisé à se garer à une heure précise dans l’usine, sur un rectangle dessiné sur le sol ; s’il arrive trop tôt, il attend sur un parking à l’extérieur de l’usine. Le conducteur du camion est responsable de son déchargement, il doit donc aussi être capable de conduire un chariot élévateur et il sait où entreposer quelle pièce.
Le camion apporte une liste de pièces précises, dans la quantité exacte dont a besoin l’usine pour fonctionner pendant une période donnée (1/2 journée dans le cas que nous avons observé). On parle de « tournée du laitier » ou « milkrun ».
Pour faciliter le déchargement, le camion se décharge par le côté. |
Quiting :
| Il faut imaginer des étagères avec des centaines de boite, chaque boite contenant une référence. L’employé prend un caddy customisé pour ce métier et il imprime une liste. La liste correspond aux pièces d’une voiture précise ; l’employé va donc longer les étages, prendre une par une les pièces de la liste et les mettre dans le caddy. Le caddy est ensuite « livré » à la ligne de production et il accompagnera, poste de travail après poste de travail, les opérateurs qui y prendront l’un des câbles, le suivant autre chose.
Chez Toyota, chaque détail compte. Bien sur, la liste est classée dans l’ordre des casiers, l’opérateur ne revient jamais en arrière. Et bien sur les casiers sont alimentés très régulièrement grâce au kanban. Mais comment s’y retrouver pour prendre exactement le bon jeu de câbles parmi la dizaine de jeux de câbles différents qui se ressemblent tous se trouvent côté à côte ? Faire le lien entre le numéro de l’item sur la liste et son numéro sur la boite ferait soit perdre trop de temps (déchiffrer caractère par caractère), soit prendre trop de risque (se tromper de boite). Il y a donc un système de pokayoke : une lumière verte clignote au-dessus de la bonne boite ; l’opérateur y prend la pièce et appuie sur la lumière qui s’éteint. Une lumière verte s’allume alors et clignote au-dessus de la boîte dans laquelle on prend la pièce suivante. |
Marie-Pia Ignace
Présidente de l'Institut lean France
Co-fondatrice et CEO d'Operae Partners
(31 mai 2013)
Les Anciens Editos
- Satisfaction et croissance (31 janvier 2013)
- Lean & Learn. Les secrets d'une rencontre (27 décembre 2012)
- Agile ou Lean ? (2 décembre 2012)
- Faites-vous partie du problème ou partie de la solution ? (21 juillet 2012)
- L'importance de l'implication des personnes dans le processus de production, Editorial de Freddy Ballé (6 juin 2012)
- L'importance et le sens du respect dans une démarche Lean (13 avril 2012)
- Interview dans le Magazine Enjeux - Les Echos, Projet Lean Entreprise (12 mars 2012)
- Lean et Compétitivité, Editorial de Michael Ballé (30 janvier 2012)
- Lean et Réindustrialisation, Editorial de Michael Ballé (12 décembre 2012)
- Lean et Recherche, Editorial de Thomas Houy (1er septembre 2011)
- Quand le doigt pointe la lune, c’est la lune qu’il faut regarder, pas le doigt. Editorial de Michael Ballé (13 juillet 2011)
- Comment savoir si vous êtes Lean ?, Editorial Invité de Sabine Gowsy (7 juillet 2011)
- Stéréotypes, Standards et Amélioration Continue, Editorial Invité de Cécile Roche (31 mai 2011)
- Penser contre soi-même (23 juillet 2010)
- Pourquoi initier une démarche Lean ?, Editorial Invité de Jean-Baptiste Bouthillon, PDG, Paris Ouest Construction (28 avril 2010)
- Qu'apporte le Lean à Louis Vuitton ?, Editorial Invité d'Hugues Pichon, Direction industrielle / Lean Management (14 décembre 2009)
- Un Patron "Lean", Editorial Invité de Pierre Vareille, PDG de FCI (10 septembre 2009)
- Le Lean dans la crise (21 avril 2009)
- Manager par le PDCA : Amélioration et travail en équipe (24 décembre 2008)
- La Magie du lean (8 septembre 2008)
- Des Incontournables contournés (20 février 2008)
- Pourquoi le Lean est (aussi) l'affaire du PDG (8 septembre 2007)
- Stabiliser, Impliquer, Agir (1er avril 2007)
- Le kanban, outil de kaizen (5 décembre 2006)
- Savoir ce qu'on fait et savoir ce qu'on veut : leçon d'un webinar du LEI (9 juin 2006)
- Premières pistes pour appliquer le Lean au développement (7 mars 2006)
- Démarrer le lean ici et maintenant (20 janvier 2006)
- Taylorisme ou Toyotisme ? (14 novembre 2005)
- Les Pionniers du Lean au-delà des limites de l'usine (2 octobre 2005)
- Développer des gens avant de produire des pièces (27 juillet 2005)
- Lean et transformation personnelle (3 juin 2005)
- Au Coeur du Lean (25 mai 2005)
- Système Lean - Lean Thinking en Français (5 avril 2005)
- Bien sûr, mais ce sera difficile à faire chez nous (janvier 2005)
- La Tension, les indicateurs et les outils (17 décembre 2004)
- Point, Flow et System Kaizen
- Kaizen et Takt Time
- Flexibilité or not Flexibilité
- Comment réaliser les réductions de coûts dans l'approche lean ?
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