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    Pourquoi le lean est (aussi) l'affaire du PDG

    En ces temps de tempête boursière, d'incertitude sur les taux et de disparition soudaine de toute cette "liquidité excédentaire" qui semblait, ces dernières années, pouvoir absorber tout problème de trésorerie, il n'est pas inintéressant de se repencher sur le cas déjà ancien de Wiremold. Lors de son dernier séminaire Lean en France, le Projet Lean Entreprise a eu le plaisir d’accueillir Orry Fiume, l'un des dirigeants d'entreprise qui a sans équivoque réussi la transformation lean : la valorisation de l’entreprise dont il était le directeur financier et l'un des principaux actionnaires a été multipliée par 25 en dix ans de démarche lean, de 30 à 770 millions de dollars de 1991 à 2000.

    Le message principal d'Orry est que les chances de succès sont faibles tant que le lean est vu par la direction comme une tactique de production. Pour lui, le lean est une stratégie de prise de marchés et d'avantage compétitif par l’excellence opérationnelle. Il cite Art Byrne, ex-CEO de Wiremold, qui est plus tranchant encore : « si le CEO n'est pas personnellement intéressé par les détails du lean, ce n’est même pas la peine de commencer. » Et Orry d'observer, comme nous l'avons tous fait sans toujours oser l'admettre, que tous les efforts bottom-up de mise en ½uvre du lean génèrent certes des gains locaux pratiquement à chaque fois, mais n’ont jamais débouché sur un accroissement visible de la part de marché, de la rentabilité ou de la valeur de l’entreprise pour les actionnaires. C'est même souvent le contraire : « notre première tentative, » raconte-t-il, « fut centrée exclusivement sur la réduction des stocks – ce qui nous mena à une situation commerciale catastrophique de livraison des clients. La leçon que nous a enseignée Art Byrne est que le lean c’est avant tout s’occuper de ses clients et s’occuper de ses employés. »

    Pour ceux qui font du lean depuis longtemps, ce message est sans surprise. Lors d’un récent Lean Summit de la Lean Enterprise Academy , Pat Lancaster ne pouvait être plus clair dans son unique conseil pour réussir une transformation lean : « partir du CEO, trouver un sensei avec lequel on peut travailler, et dérouler du haut vers le bas. » Le débat sur l’implication du haut management revient constamment, sans progrès réel des directions en vingt ans. Toutefois, cette injonction d' « implication du management » peut apparaître insatisfaisante, voire suspecte : après tout, l'implication du PDG est de nature à faire progresser n'importe quel projet, et la première ligne de défense d'un responsable en difficulté peut facilement être de se défausser sur le manque d'implication de sa hiérarchie. C'est pourquoi il importe d'expliciter les causes profondes de cette nécessité dans le cas du lean.

    Orry Fiume propose à cet effet une analyse précise du mécanisme de transformation. Pour lui, les employés de l’entreprise respectent les contraintes formelles des systèmes de management tels que les indicateurs financiers, les objectifs et les procédures, bien plus qu'ils n'obéissent directement à leurs responsables. En ce sens, un chef peut bien exiger qu'on « fasse du lean », s'il a mis en place un objectif mesuré est d’avoir le moins de stock possible à chaque fin de mois, la logistique et la production ne sauront jamais lisser les programmes pour éviter de passer la première quinzaine à chercher des pièces, et la deuxième à produire. De même, des objectifs de vente trimestriels génèrent mécaniquement des remises de fin de période pour tenir les objectifs et rendent impossible le lissage des demandes quel que soit l'exigence informelle en la matière du responsable.

    En tant que directeur financier d’une entreprise lean, Orry Fiume a observé de près les conséquences délétères des systèmes en place sur les efforts de changement. Son originalité, fondatrice du succès durable de Wiremold, est d'avoir accepté de transformer complètement le fonctionnement du système financier de Wiremold pour l'aligner avec l'effort lean, puis à implanter le nouveau système au sein de vingt acquisitions à travers le monde. Pour Orry, une entreprise en cours de transformation est l'arène d'une lutte à mort entre 10% d’agents de changement qui souhaitent réellement le succès de la démarche et 10% de « concreteheads » ( littéralement "qui ont du béton entre les oreilles"), devant une audience de 80% des employés qui attendent de voir de quel côté la barque va pencher.

    Alors, pourquoi l'implication du CEO est-elle essentielle, et pourquoi ce dernier doit-il comprendre les détails du lean et ne peut-il se contenter de donner son imprimatur à une "stratégie lean" portée par d'autres ? Parce que tôt ou tard, les pro-lean qui mènent des chantiers d’amélioration dans l’entreprise vont réclamer instamment la mise en cause - ou la mise à mort - de nombreuses procédures et systèmes, des coûts standards aux ristournes de fin de trimestre. Or ce genre de décision remonte facilement en COMEX et, si le CEO ne comprend pas d'où proviennent ces remises en cause (parfois assez radicale) des systèmes de l’entreprise, il ne peut que pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre – tranchant au gré des instants, des alliances et des humeurs en faveur de l'un ou l'autre camp. L'incohérence de ces arbitrages conduit alors à une terrible confusion dans l’entreprise. La stratégie lean se trouve vite empêtrée dans des contraintes dont chacun de ses champions sait qu'elles sont contradictoires avec l'objectif lean, et la majorité des "sans opinion", qui ne demande que de savoir ce qu’elle doit faire pour travailler dans le sens que demande la direction, retrouve bien vite ses habitude de gestion selon les indicateurs et systèmes en place, et non selon l'injonction lean qui va à leur encontre. Si personne n'a jamais été licencié pour avoir bâclé un atelier Kaizen, nombreux sont les dirigeants qui ont rencontré des difficultés pour ne pas avoir joué le jeu du reporting financier...

    En revanche si, et c'est le secret du succès de Wiremold, de Lantech ou de... Toyota, le CEO comprend les détails du lean, c’est lui ou elle qui mènera la bataille auprès de ses directeurs fonctionnels (Finances, RH, Qualité, Ingénierie, etc.) et opérationnels pour qu’ils changent leur politiques opérationnelles dans un sens lean. Evidemment, il n'est pas dans la moins bonne position pour gagner cette bataille. C'est cette nécessité d'une constance dans les arbitrages sur les systèmes qui explique pourquoi, bien que plusieurs entreprises ont ou aient eu des succès avec le lean, ces résultats survivent rarement à une acquisition ou à un changement de direction. C'est là la véritable exception Toyota : le TPS s'y est maintienu jusqu'ici à chaque passage de témoin à la tête de l'entreprise.

    La théorie qu’avance Orry Fiume est d’autant plus crédible qu’elle est au c½ur d’un des autres succès récents de transformation organisationnelle, celui de General Electric. Bien avant d’adopter le "Six Sigma", Jack Welch y avait lancé un effort monumental et spectaculaire d’amélioration de ses opérations, le « work-out ». Une séance typique consistait à envoyer le directeur d’une Business Unit en vacances trois jours et à réunir en séminaire une centaine de membres influents de l'unité. La question qui leur était posée : « quelles procédures caduques que l'on suit dans cette Business Unit nous empêchent-elles d’améliorer nos résultats ? » - en d’autres mots, "Arrêtons de perdre du business pour faire du bon management." En groupes de travail multi-fonctionnels, puis fonctionnels, les participants devaient identifier un bon nombre de mécanismes de management qu’ils considéraient contre-productifs. A l'issue des trois jours, les procédures à éliminer étaient présentées au directeur de l’unité, en séance plénière ; ce dernier devait statuer sur le champ si, oui ou non, telle procédure ou tel système devait être éliminé. Cette approche a été le moteur de changement sous-jacent à la démarche Six Sigma de GE dans les années 1990, et met clairement en évidence le rôle des systèmes comme éléments de rigidité - rigidité qui devient cadavérique si un ERP est venu ossifier les procédures en place.

    A leur manière, les sensei cherchent eux aussi à modifier les systèmes de management. Leur méthode est contre-intuitive, mais systématique et claire :

    1. aller voir sur le terrain où les problèmes apparaissent ;
    2. se mettre d’accord sur quelques problèmes prioritaires ;
    3. constituer des groupes de kaizen avec les équipes et expérimenter jusqu’à résolution locale ;
    4. tirer les conclusions managériales de ces expériences pour remettre en cause les habitudes, systèmes et fonctionnements du management.

    Ce quatrième point est crucial. Les échecs de transformation lean au-delà des premiers succès - les fameux "low hanging fruits" - s'expliquent par son oubli ou son contournement. Et l'implication du PDG est justement le point de contrôle qui interdit ce contournement... Le lean n'est pas un système de gestion opérationnelle, utile localement, mais un outil de transformation stratégique de l'entreprise : le moteur de l'amélioration inlassable de l'ensemble des pratiques managériales et des systèmes de gestion en place. A défaut, et comme l’explique Orry Fiume, les systèmes qui génèrent le niveau de performance actuelle de l’entreprise ne seront jamais mis en cause, et il n’y a donc aucune raison d'espérer que l’entreprise dans son ensemble améliorera ses performances, quelles que soient les réussites des chantiers lean sur le terrain !

    (8 septembre 2007)


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    Page mise à jour le 2008-02-20 parMain.GodefroyBeauvallet
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